Une absence de législation sur les cryptos. (au 20/09/2018)
Il n’y a aucune loi sur l’imposition des cryptos (crypto-monnaies telles que BTC, ETH, LTC, etc.).
Une aberrante doctrine administrative de 2014 a un temps fait office de règle. Elle assimilait les gains réalisés à titre non habituel sur le bitcoin à des BNC, ceux à titre habituel à des BIC.
Il pouvait en résulter une imposition considérable. Le cumul impôt sur le revenu + contributions sociales + coefficient multiplicateur pour non adhésion à un CGA pouvait même excéder les gains réels.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 26 avril 2018 a partiellement mis fin à cette situation ubuesque. Il a confirmé ce que nous avions déjà indiqué sur ce blog.
Les opérations réalisées à titre non habituel sont, en l’absence de loi spécifique, imposées comme les autres plus-values sur bien meuble, au taux forfaitaire de 19%.
Mais l’actuelle position de l’administration et du Conseil d’Etat reste que les échanges entre cryptos sont taxables. Il s’agit là d’un réel problème. En effet, ces échanges sont souvent très difficiles à retracer. Leurs gains ou pertes sont très complexes, voire impossible, à calculer.
Des incertitudes qui demeurent nombreuses.
Cette situation laisse encore planer de graves incertitudes sur le régime fiscal réellement applicable.
Une distinction habituel/non habituel insatisfaisante
La distinction entre caractère habituel ou non habituel de l’activité est purement subjective. Elle relève de l’appréciation de l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt.
La problématique des gains sur crypto-monnaies est trop récente pour que l’on puisse avoir une jurisprudence établie. On ne peut aujourd’hui que se livrer à des conjectures. Il faut transposer les quelques décisions rendues sur la problématique proche des gains sur cession d’actions.
On y retrouve une jurisprudence à géométrie variable. Elle a un temps retenu comme critère le nombre et la fréquence des opérations. Ce critère serait catastrophique au cas particulier. En effet, les opérations sur crypto-monnaies peuvent être faites rapidement, facilement et en grand nombre. Elle a ensuite considéré une appréciation des moyens mis en oeuvre, ceux d’un particulier ou ceux d’un vrai trader professionnel. Ce critère est à notre sens bien plus pertinent.
Un risque majeur sur l’application du régime micro
Une autre problématique, pour les gains qui seront considérés comme habituels, est l’application d’office ou non du régime micro-BIC. En effet, pour les activités nouvelles, ce régime s’applique d’office les deux premières années et ce quel que soit le chiffre d’affaires. Pour l’éviter, il faut une option expresse du contribuable. Or bien souvent, il n’optera pas dans les temps pour le régime réel, ignorant qu’il relève du régime de l’activité habituelle.
Les conséquences d’un tel oubli peuvent être catastrophiques. Dans le cas du régime micro-BIC, le bénéfice imposable est une fraction du chiffre d’affaires. Or dans les activités de trading à haute fréquence, ce chiffre d’affaires peut être en totale disproportion avec le gain réel.
Ainsi, un trader sur crypto-monnaies peut parfaitement, sur la même année, via des dizaines de milliers de petites opérations, céder pour 20 millions d’euros de crypto-monnaies pour un gain de 50 000 euros. Dans ce cas, s’il est assujetti d’office au régime micro, il devra payer un impôt assis sur un bénéfice forfaitaire de 10 millions d’euros alors que son bénéfice réel est de 50 000 euros. Un vrai cauchemar…
Un imprimé de déclaration inadapté aux cryptos.
C’est l’imprimé n°2048 M relatif aux plus-values sur biens meubles. Il est inadapté aux opérations spécifiques sur crypto-monnaies. Il a été conçu pour déclarer des opérations isolées et simples. Mais aucunement les dizaines voire centaines de transactions qui accompagnent l’acquisition et la cession de crypto-monnaies sur les plateformes d’échanges.
Notre cabinet a ainsi eu des retours très variés des centre des impôts suite au renseignement de ces imprimés. Certains ont exigé des paiements par virement, d’autres des tableaux individualisés par opération. Certains ont appliqué des pénalités de retard, d’autre non. Un centre a même purement et simplement refusé les déclarations au motif que la doctrine administrative n’avait pas été abandonnée suite à l’arrêt du Conseil d’Etat. Dans ce dernier cas, un courrier vigoureux de notre part a toutefois permis de rétablir la situation.
Une possibilité de clarifier la situation par le recours au rescrit fiscal.
Face à ces incertitudes, il est possible d’introduire une demande de rescrit fiscal. Elle permet d’obtenir une prise de position de l’administration sur une situation individuelle. Les contribuables y recourent trop peu souvent.
Ce procédé a ainsi permis à notre cabinet d’obtenir la confirmation par l’administration que l’exit taxe ne s’appliquait pas aux cryptos. Ou encore que le régime spécifique de prêt de titres à une société n’est pas transposable aux cryptos.
Des perspective d’éclaircissements législatifs dans la loi PACTE et dans les prochaines lois de finances.
A ce jour il n’y a aucune loi afférente aux crypto-monnaies. Mais le gouvernement et le Législateur semblent avoir enfin pris la mesure des problèmes et des enjeux résultant de l’apparition de la technologie de la blockchain.
Ainsi la loi PACTE, actuellement à l’examen devant le Parlement, prévoit un premier cadre pour les ICO. Elle envisage un système de certification facultative par l’AMF pour les cryptos. Lors d’une conférence récente à laquelle j’ai pu assister, le représentant de Bercy nous expliquait la volonté du gouvernement. Il ne cherche pas à entraver les initiatives en la matière sur le sol français. Il veut permettre à ceux qui le souhaitent de rassurer les investisseurs en démontrant le sérieux de leur projet.
Sur le plan fiscal, le même intervenant expliquait que le gouvernement n’a pas l’intention d’inciter à l’investissement en cryptos. Il est conscient du caractère insatisfaisant du régime actuel et entend légiférer via les prochaines lois de finances pour définir un cadre sécurisant pour les investisseurs.
Afin que les nouvelles règles s’appliquent aux opérations effectuées en 2018, elles devront être dans la loi de finance rectificative pour 2018.
Le gouvernement n’a pas pour l’instant révélé les modalités d’imposition pressenties. Mais l’application de la FLAT TAX au taux de 30%, qui n’est ni incitative ni punitive, nous paraît ici relever du simple bon sens.
Jean-Pascal MICHAUD
Avocat
Spécialiste en droit fiscal
18 réponses
Bonjour, si l’on encaisse ses gains sur sa société, la flat taxe est-elle aussi appliqué ou bien les gains sont-ils soumis à l’IS ?
Je suis en train de me lancer dans le trading en bourse, et j’ai aussi fait quelques placements en crypto monnaies, pensez-vous qu’il peut être avantageux pour moi d’ouvrir une société pour encaisser mes futures plus values ?
Merci
Le bénéfice d’une entreprise soumise à l’IS est par définition soumis à cet impôt. En revanche seules seront soumises à la flat tax les sommes éventuellement redistribuées aux actionnaires. C’est tout l’intérêt d’une entreprise soumise à l’IS. Tant qu’ils ne sont pas reversés aux actionnaires, les gains après impôt peuvent être réinvestis dans l’entreprise.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Auriez vous des précisions sur l’élément déclencheur de l’impôt (cash out sur compte bancaire ou vente), ainsi que sur le calcul de la plus-value pour ce régime des biens meubles?
Bonjour,
Non malheureusement ce point demeure obscur. D’un point de vue strictement juridique la vente devrait être l’élément déclencheur mais cela pose des difficultés pratique qui amèneront peut être l’administration à se concentrer en priorité sur les cash out. Seul l’avenir nous le dira.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour, merci pour cet article, malheureusement comme tous les autres articles sur le sujet que j’épluche depuis plus de 5 heures maintenant, ce n’est encore qu’une analyse théorique de la loi alourdie par le jargon juridique. Je n’ai toujours aucune réponse concrète sur ce que je suis sensé faire pour déclarer mes gains dans ma situation et je commence à m’arracher les cheveux.
Je veux bien vous rémunérer pour une réponse personnalisée et concrète mais… 480 € pour établir un devis puis 300 à 400 €/h HT ??? Ça parait complètement exorbitant, comment justifiez-vous ça ? Moi je ne peux pas justifier de débourser une telle somme pour ce service, quoi qu’il en soit.
Je cherche une réponse courte et pragmatique pour une situation pas bien compliquée :
J’ai investi 3000€, puis j’ai sorti 11 000€ en sept ou huit fois au cours de cette année, après des milliers de trades (entre 0 et des centaines par mois) sur Kraken et Bitfinex, donc 8000 € de gains réalisés.
Je n’ai pas d’autre source de revenus, je passe 1 ou 2h par jour en moyenne sur les cryptos.
Sous quel régime je déclare ça ? Comment ? Combien vais-je être taxé ? Quelles autres démarches vais-je devoir faire ?
Extérieurement c’est très simple, j’ai investi 3k, j’ai sorti 11k, c’est visible sur mon compte en banque par les virements vers et depuis Kraken, mais il est impossible et hors de question que je déclare les milliers de trades intermédiaires ! Il semble que je devrais déclarer en BIC régime réel, mais la gestion et compta que ça implique a l’air complètement disproportionnée ! (Bien que comme le reste, j’aie un mal fou à obtenir des informations concrètes sur le sujet)
Merci pour toute aide, gratuite ou à un prix raisonnable.
Bonjour Monsieur,
Oui l’assistance d’un avocat fiscaliste coûte très cher aux particuliers et c’est fort regrettable.
En principe le droit devrait être simple et compréhensible par tous.
En principe, en cas de doute, on devrait pouvoir aller en toute bonne foi voir l’administration fiscale pour avoir une réponse claire et sûre, et ce sans crainte de se faire massacrer fiscalement à cette occasion.
Malheureusement les choses ne se passent pas ainsi et la fiscalité des crypto-monnaies, avec cette distinction purement subjective d’activité habituelle ou occasionnelle, est effectivement un vrai casse tête.
J’ai peur que ceux qui prétendront pouvoir vous donner une réponse sûre et claire pour un prix modique tiennent plus du marchand de rêve que de l’auxiliaire de justice.
Pour ma part, et bien que je m’efforce d’être un professionnel honnête et sérieux, je n’en suis pas capable.
Cordialement,
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Prenons le cas d’un particulier ayant un emploi à temps plein et ayant investi quelques milliers d’euros début 2018.
Celui-ci a utilisé plusieurs bots de trading qui ont procédé à quelques dizaines de milliers d’opérations. Ce qui représente un volume total (sommes achats + sommes ventes) supérieur au million d’euros.
Au final, comme il n’est pas trader pro et s’est laissé débordé, ce qui lui reste début 2019 vaut moins de 500€. Il a donc perdu 90% de la somme investie. Aucun retour crypto => fiat => compte bancaire n’a été effectué.
Que lui conseilleriez-vous pour sa déclaration des revenus 2018 ?
Il convient déjà de définir si son activité est habituelle ou non. Les arguments pour habituelle sont le Bot et le nombre de transactions (mais cela découle directement du bot…). Les arguments contre sont le temps passé, les revenus tirés et le fait qu’il soit employé.
Au final il faudrait :
– Demander un rescrit fiscal ?
– Ne rien déclarer (activité occulte, risqué et pas conseillé) ?
– Déclarer tous les comptes ouverts via formulaire 3096 ?
– Déclarer uniquement les comptes ouverts et ayant eu des opérations via formulaire 3096 ?
– Déclarer les comptes et un BNC à zéro car pas de bénéfice (avec un gros ? risque de requalification en activité habituelle)
– Déclarer les comptes et un BIC réel normal (2042 C Pro) à zéro car pas de bénéfice
– Déclarer les comptes, un BIC réel normal (2042 C Pro) à zéro, mais aussi toutes la comptabilité (n° 2031-SD et ses huit annexes)
Merci d’avance pour toute aide ou conseil !!!
Cordialement
Bonjour,
Pour faire simple, dans un cas comme celui-ci où les pertes sont avérées, je déclarerai comme un non professionnel mais en joignant à la déclaration une « mention expresse » expliquant la situation.
Et surtout, je garderai trace de l’ensemble des opérations pendant 10 ans pour pouvoir défendre ma position le moment venu.
Enfin j’assurerai une veille jurisprudentielle et si le juge de l’impôt décide finalement que l’utilisation d’un bot de trading doit être assimilée à une activité habituelle, je déposerai des déclarations rectificatives avant que l’administrait ne vienne me redresser.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Est-ce que la Loi de finances pour 2019 ayant un peu clarifié les choses pour les crypto-monnaies est elle rétroactive pour les gains effectué en 2018, ou est-ce que n’est pas le cas et ne concerne que les gains effectuer a partir de 2019?
Dans le cas où l’activité serai habituelle, il faut créer une entreprise (dans mon cas j’ai créé une SAS), mais comment déclarer les bénéfices qui ont été réalisé avant la création de l’entreprise ? Est-ce qu’on peut les déclarer dans la Loi de 2019 à 30%, ou malgrès qu’elles ont été faite avant la création de l’entreprise elles sont quand même habituelles et donc doivent être déclaré dans la section BIC Professionnel ?
Bonjour,
La loi n’est pas rétroactive au cas particulier. Les gains réalisés en 2018 se déclarent encore sous l’ancien système.
Votre 2ème question dépend des circonstances de faits et notamment de l’importance et de la fréquence des trades. Il est tout à fait possible que l’activité postérieure à la création de l’entreprise soit habituelle et l’activité antérieure occasionnelle.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour j’ai investit 8850€ dans la société Btcoinpro en faisant des virements sur des comptes à l’étranger. Mon conseiller m’a conseillé de clôturer fin décembre 2019. Après cela j’ai reçu un appel du service financier m’indiquant que la société s’était fait pirater et mon conseiller un escrot. Au final je ne sais pas quoi faire car les gains soi disant s’élève à des sommes démesurées qui diffèrent en fonction du service juridique et mon conseiller et on me demande de payer les flat taxe en amont pour récupérer mes sous. Pouvez-vous m’aider ? Mr Charlier
Bonjour,
Si vous avez été victime d’une escroquerie il faut porter plainte au commissariat et vous rapprocher d’un avocat pénaliste.
Il n’y a en principe pas de raison que la plateforme exige le paiement préalable d’une taxe avant de vous restituer votre argent. Il s’agit généralement en effet d’un indice qu’il s’agit d’une arnaque.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Pouvez-vous éclaircir la notion de bénéfice à déclarer pour le trading de crypto? J’ai effectué pas mal de trade toute l’année 2019 mais ils n’étaient pas tous gagnant malheureusement =), que dois je déclarer, la somme des gains de chaque trade gagnant sans prendre en compte les trade perdant ou le résultat de l’année complète (gains – pertes). J’ai entendu dire que les pertes en crypto ne peuvent pas être déduites contrairement à la bourse classique.
Merci
Bonjour,
Le calcul se fait dorénavant en application de l’article 150 VH bis du CGI.
Il tient compte des moins values, que ce soit les moins values intermédiaires (sur échanges cryptos-cryptos) ou définitives (vente contre monnaie souveraine). En revanche les moins values d’une année ne s’imputent que sur les plus-values de cette même année.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Comment déclarer les plus ou moins values des positions (trading avec effet de levier sur la plateforme Kraken par ex) sur les cryptos monnaies ? En effet, les trades classiques crypto -> fiat sont à déclarer dans le formulaire 2086. Mais comment déclarer ces plus ou moins value sachant que l’actif numérique ne nous appartient finalement pas ?
Merci par avance
Bonjour,
C’est une question délicate car le cas n’est pas spécifiquement prévu par les textes. Si l’on raisonne par analogie avec un prêt d’actions le gain devrait être déclaré et taxé comme une plus-value classique. On peut en tous les cas fortement douter qu’il échappe à l’impôt.
Jean-Pascal MICHAUD
Bonjour,
Se pourrait-il que le caractère habituel s’entende des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations comme le Conseil d’Etat l’avait précisé en matière d’opérations de bourse (arrêts Boniface, Roche, Riglet…) ? L »article 92 du CGI avait d’ailleurs été modifié le 12 Août 2004.
Pour éviter le BIC on pourrait aussi investir sur des contrats financiers (warrants, turbos, futures etc…) ayant pour sous-jacent le bitcoin ?
Bien cordialement
Seules la jurisprudence et la pratique des contentieux fiscaux à venir permettront de trancher cette question. Mais en toute logique le juge devrait s’attacher aux mêmes critères que ceux retenus en matière d’opérations de bourse.
Jean-Pascal MICHAUD